(Par Marie Sébire) La planète se réchauffe, on le sait. Et les conséquences sur les activités humaines se font déjà sentir. Pour le vin, on imagine que les défis seront considérables : voilà s’il en faut, une activité hautement dépendante du climat ! Mardi 31 octobre, Michelle Bouffard, sommelière hyperactive (elle est aussi enseignante, auteur et conférencière), avait réuni à Montréal la crème des experts internationaux pour discuter du sujet lors d’une conférence au nom évocateur : goûter aux changements climatiques.
Dérèglements climatiques et vin : cours 101
Lorsqu’on pense vignoble, on pense généralement soleil. On aurait donc tendance à croire qu’un réchauffement global du climat serait plutôt bénéfique au vin. C’est une idée reçue… qu’un voyage en Alsace au mois de janvier aura vite fait de balayer ! En réalité, on oublie que l’une des caractéristiques majeures pour faire un bon vin, c’est aussi le sol. Or les sols sont fragilisés par les aléas climatiques, et encore plus s’ils ont été malmenés par des années de pratique intensive et de produits chimiques.
Mais surtout, une hausse globale des températures ne va pas éliminer les épisodes climatiques extrêmes : si les hivers doivent être plus doux, il existera toujours des pics de froid intense. Et des printemps plus chauds vont accélérer la floraison… et rendre la vigne extrêmement vulnérable aux épisodes de gel printanier, véritable cauchemar des vignerons.
Et puis il y a les phénomènes indirectement causés par le réchauffement climatique. Les feux de forêt, par exemple, peuvent avoir un effet négatif sur la vigne, puisque la fumée imprègne le fruit et peut affecter le goût du vin : la Californie et le Portugal ont récemment été impactés.
Les gagnants et les perdants
Alors quel avenir pour le vin ? Jamie Goode, véritable baroudeur du vin, participait au colloque, et il a sa petite idée sur la question « il y aura des gagnants, et il y aura des perdants ». Cet amoureux du vin sillonne la planète depuis plusieurs années, et de ses voyages, il est capable de tirer un portrait global de l’avenir de la vigne. Californie, Australie, Afrique du Sud… Toutes ces régions ont expérimenté la sécheresse et la raréfaction de l’eau, et voient donc leur avenir compromis si les températures continuent de grimper. Même constat au Chili et en Argentine où les vignobles sont irrigués grâce à la fonte des neiges des Andes. Moins de neige en hiver sur les sommets, c’est donc moins d’eau pour la vigne. Quant à la Loire, berceau du Bourgueil ou du Pouilly-Fumé, c’est le gel printanier le principal danger.
Et le Canada dans tout ça ? Bonne nouvelle si l’on peut dire, le Canada est dans le camp des potentiels gagnants. En Nouvelle-Écosse, certaines variétés de cépages sont désormais viables, et la région produit un vin mousseux tout à fait intéressant d’après Jamie Goode.
Planter local
Pas très réjouissant comme tableau. Que faire alors ? A minima… connaître son territoire et sa nature ! Voilà au moins un message que tous les interlocuteurs du colloque ont porté. Les vignerons ne peuvent pas faire grand-chose contre le réchauffement climatique, mais ils peuvent tenter de limiter les dégâts. Planter là où la roche est la plus propice, là où les racines pourront s’implanter le plus profondément, et où l’irrigation sera moins indispensable, ne pas asperger le sol de fertilisants, cul
tiver des variétés indigènes (si elles sont là depuis des siècles, c’est pour une raison !)… Bref, accepter que l’on ne puisse pas faire ce qu’on veut où l’on veut… et qu’il ne serve à rien de vouloir à tout prix faire « comme ailleurs ». Car après tout, dit Jamie Good, un bon vin c’est celui qui exprime un lieu.