Je suis pieds nus dans la mousse humide, mes hanches instinctivement bougent de droite à gauche comme si une petite danse intérieure se créait et que je devenais qu’une avec la nature. Je respire un grand coup, j’écoute les sons des clapotis de l’eau, le gazouillement des oiseaux, le vent doux qui fait danser les arbres.
Il y a comme une énergie en moi que je ne comprends pas. Quelque chose que je n’avais pas ressenti depuis longtemps. J’étais loin du chaos habituel de ma vie. À mes côtés se trouve Dana Belore, guide en nature, une jeune femme pétillante, pure. Depuis 1h00 Dana m’invite à sentir la forêt. Non … plutôt à la ressentir, à la redécouvrir.
Je suis en pleine immersion du Forest Bathing offert gratuitement aux invités du Trout Point Lodge. Cette activité est une suite logique de ce que tout visiteur vit lorsqu’il décide de se poser dans cet immense complexe en bois rond au milieu de nulle part, soit la « reconnexion » avec son soi.
C’est tellement creux dans la forêt, que même mon signal cellulaire m’abandonne. M’abandonne pour mieux que JE m’abandonne à cette thérapie en forêt. Tout ça entouré de bon, de beau.
Quand j’ai commencé le Forest Bathing, je dois t’avouer que j’étais rempli de sceptissisme. Le Forest Bathing c’est une méditation semi guidée en forêt pour se reconnecter avec la nature. En fait, c’est plus que ça. Bon, il est clair qu’aux premiers abords quand on me demandait de sentir les aiguilles de pin et de récolter des gouttes de rosée sur le bout de mes doigts, je me disais intérieurement ; « Mais quessé que je fais là » « Ne ris pas Nancy, ne ris pas. Tu vas manquer de respect ».
Mais après un moment, je me suis dit, tu n’as pas conduit dans un chemin de terre long comme le bras en te demandant chaque 5 minutes si tu t’es perdu pour ne pas le faire. De surcroît, tout ça en te demandant si tu devais commencer à penser à jouer au Petit Poucet en laissant tomber des objets par la fenêtre de la voiture pour retrouver ton chemin. Non, ma belle, tu n’as pas tout fait ça pour ne pas te laisser porter par l’expérience. SUCK IT UP !
J’ai continué à suivre les instructions et à jouer le jeu. Et … c’est au moment de m’asseoir sur le petit chemin de bois sur la couverte tendue par Dana que tout à basculer. J’ai pris une grande respiration et je me suis laissé aller.
Assise devant le plan d’eau, elle me demande d’écouter les sons. Un son en particulier en premier, un autre ensuite et tout ça en respirant. Ensuite, elle me chuchote une consigne m’indiquant de me concentrer sur une autre chose. J’exécute sans réfléchir et je sens tranquillement la paix intérieure s’installer. C’est plutôt rare que mon cerveau se mette en pause. Dans ce petit coco, il y a au moins 6 petits hamsters qui roulent en permanence et qui font beaucoup de vacarme, sans arrêt. Ne plus les entendre, faisait déjà un grand bien. Je ne me rappelle plus quand mon cerveau s’est mis en veille pour la dernière fois. C’est rafraichissant.
Après un moment, je sors de ma torpeur car elle m’offre délicatement une petite cocotte qu’elle dépose sur ma couverture. Je rigole en la recevant et je lui raconte qu’elle a bien choisi son objet car la cocotte, c’était mon surnom lorsque j’étais petite.
Elle me sourit, dans toute sa pureté et sa douceur, sans ajouter un mot et tout en accueillant avec bienveillance mon partage. Elle reprend la cocotte et la dépose délicatement dans ma main. Elle m’invite à fermer les yeux. J’ai suivi les instructions, sa voix, sa guidance comme une bonne élève. Elle m’invite à toucher la cocotte, à sentir avec mes doigts toutes les couches qui la forme. De noter ses imperfections, ses petites blessures, mais aussi et surtout sa complexité, sa beauté. Et là, ça me frappe. SA BEAUTÉ DANS L’IMPERFECTION, dans ses blessures. Cette cocotte aussi écorchée est-elle, aussi complète et splendide elle est.
Et c’est là que tout a réellement basculé. À ce moment précis, bizarrement, j’ai connecté avec la petite pomme de pin, la cocotte. Bien oui, ne rit pas, c’est vrai. C’est comme si je lui disais sans arrêt, tu es parfaite ainsi malgré tes blessures. Je la flattais comme s’il s’agissait d’un enfant que l’on doit réconforter. Tu comprendras rapidement que ce n’était plus l’objet, la cocotte que j’avais dans les mains que je réconfortais, mais bien la petite fille blessée qui est en moi.
Je me suis retenue de toutes mes forces pour ne pas pleurer. Je ne comprenais pas ce qui se passait en moi. Est-ce que j’étais bien assise par terre dans la forêt à faire une thérapie par la nature avec une jeune femme dans la vingtaine sans le savoir ? OH QUE OUI . C’est bel et bien ça qui arrivait. Je ne pouvais y échapper. Le processus était enclenché. On s’est levées elle et moi, j’ai gardé la cocotte dans mes mains.
Je l’ai flatté pendant quelques minutes comme on flatte un petit chat tout en naviguant dans les bois. Aucune idée pourquoi, je la gardais si précieusement dans mes mains. Au bout du chemin, nous nous sommes arrêtées sur un petit pont qui enjambait la rivière. Elle m’a alors invité à laisser partir la cocotte dans les flots de la rivière qui grouillait d’ailleurs d’une énergie incroyable. Je dois avouer que ça m’a pris un moment, à ma grande surprise. Comme si je m’accrochais à quelque chose de plus fort que moi. Puis dans un grand soupir accompagné d’un petit rire nerveux, je l’ai laissée tomber dans l’eau.
Je l’ai regardée s’en aller dans le courant, le cœur troublé et léger à la fois. C’était l’image parfaite pour cette fin de voyage en solo en Nouvelle Écosse que j’avais fait avec une sérénité déconcertante. Sans le savoir, je laissais partir mes peurs, mes blessures et je laissais surtout la place à tout ce que je suis de meilleur, de fort, de beau.
Tout en douceur, on a ensuite cheminé dans le sentier. La nature qui s’offrait à moi était soudainement fascinante, belle et grandiose. J’en avais presque le souffle coupé. Sentant peut-être que j’étais un peu ébranlée par l’activité, elle m’a invitée à aller m’assoir proche de l’eau, là où je me sentirais bien. Je devais juste me laisser aller, réfléchir et vivre mon moment pendant qu’elle préparait une tisane sous la cime des arbres. Cette tisane qu’elle a tendue vers moi avec douceur, je l’ai accueillie comme une caresse. Chaque gorgée était une explosion de saveurs comme si soudainement tout mon corps accueillait la vie. Je le sais, tout ça semble très ésotérique. J’en suis consciente.
Le reste de la balade s’est déroulé dans la légèreté. J’ai marché pieds nus dans la mousse, laissant toute la place à mon enfant intérieur. Pas l’enfant blessé, triste, apeuré, mais le joyeux, le heureux. J’ai sauté dans l’eau à deux pieds joints, enfouit mes orteils dans la vase comme si j’avais 5 ans alors que j’en ai 47. Je ne ressentais ni peur, ni dégout, ni crainte du jugement, juste un sentiment profond de vivre le moment présent. Cette activité que je qualifie maintenant de magique allait conclure mon séjour au Trout Point Lodge de façon magistrale.
Cet endroit qui porte à la détente, à la beauté, au confort et à la rencontre du soi. J’en avais de besoin sans le savoir. Moi, qui commence tout juste à me sentir bien dans la solitude, venant tout juste de voir mon petit bébé partir vers sa vie d’adulte, je vivais quelque chose qui se devait d’être. C’est comme si l’univers m’avait envoyé ce périple pour me dire que tout allait bien aller. Que la solitude n’est qu’en fait, l’opportunité de se connecter encore plus à soi et aux autres.
Je rêve déjà d’un autre voyage en solo. J’ai déjà hâte de voir ce que cette prochaine aventure m’apprendra sur moi. Une chose est certaine, j’ai trouvé du courage lors de mon premier voyage solo à Vancouver. J’ai cependant trouvé encore bien plus lors de mon passage en Nouvelle-Écosse. J’y ai trouvé la sérénité. Si tu te demandes … la cocotte va bien. Elle a drôlement hâte de retourner dans les bois, surtout dans ces bois. Le Trout Point Lodge sera toujours gravé dans mon cœur. Je te souhaite de tout cœur de pouvoir vivre ça une fois dans ta vie.
À lire aussi :
- Sur les traces des Acadiens en Nouvelle-Écosse
- 4 hébergements à essayer en Nouvelle-Écosse
- 10 suggestions de restaurants à essayer à Halifax
- Nouvelle-Écosse : 8 choses à visiter à Louisbourg et les environs
