04 novembre 2008

Le paradis des papas

Dans notre cour d’école, Annie nous intriguait. C’est que la copine n’avait plus de papa. Il était au paradis. Pour nous, c’était un concept bien abstrait, la plupart d’entre nous n’avions jamais côtoyé la mort de près.
Pour nous, l’absence d’une figure paternelle signifiait, sans aucun doute, qu’Annie pleurait tous les soirs, qu’elle parlait aux étoiles, que tous ses Noëls et tous ses anniversaires étaient fêtés entre larmes et tristesse.
Pourtant, Annie était tout sauf triste. Elle affichait sourire et joie de vivre. Mais c’était impensable pour nous que notre amie soit heureuse sans papa qui soupait avec elle chaque soir.
Quand j’allais jouer chez elle, je me sentais toujours étrange. J’avais toujours peur de surprendre sa mère en pleine crise de larmes dans sa chambre à coucher ou encore au désespoir alors qu’elle coupait les carottes du souper. Parce que pour moi, un papa en moins dans une maisonnée signifiait malheur à jamais, désespoir, problème à l’adolescence, crise d’identité, et quoi encore?
Je suis restée longtemps avec cette impression. Avec ces peurs. Ces craintes. Hantise que ça arrive chez moi.
Malheureusement, la petite Annie de mon école primaire est devenue Maxim et Félixe.
Mardi dernier, le papa de mes poulettes s’est envolé vers le paradis des papas. Une virulente pneumonie a emporté Ian dans l’au-delà sans que lui-même ne s’en rende compte.
En quatre jours, mes filles ont plus grandi que n’importe quel autre enfant en quatre ans. En quatre jours, elles ont appris la signification de mots difficiles comme: soins intensifs, saturation, choc sceptique, pression artérielle… En quatre jours, elles sont passées de l’espoir au désespoir. En quatre jours, elles ont appris que la vie ne tenait qu’à un fil, un si petit fil.
À compter du mois prochain, mes cocottes empocheront une prestation d’orpheline. À partir de la semaine prochaine, mes poulettes devront s’habituer à ne pas aller passer le week-end chez papa. Dès maintenant, mes puces devront conjuguer leur père à l’imparfait et au passé composé. Demain, mes filles ne verront leur père qu’en photo…
Probablement que dimanche, ç’a été le pire jour de la courte vie de Maxim et Félixe. Dimanche, elles ont réalisé que papa n’appellerait plus pour souhaiter bonne nuit. Dimanche, elles ont dû dire au revoir à l’une des deux personnes qui leur est le plus chère.
Frustration, sentiment d’injustice, impuissance, tristesse, peur, colère, questionnements se bousculent dans ma tête depuis ce jour où le téléphone a sonné. Un simple coup de fil qui a changé de nombreuses vies à jamais.
Quels seront les impacts? Seront-elles les petites filles éplorées comme j’imaginais Annie? Riront-elles à nouveau? Couleront-elles leur année scolaire? Passeront-elles leurs nuits à sangloter dans leur oreiller? Comment se sortiront-elles de cette terrible épreuve?
Dites-moi. Rassurez-moi.
Je veux que la vie soit douce avec mes poulettes. Je veux tellement le meilleur pour elle alors que le pire leur est arrivé.
Alors Ian, de ton nouveau chez-toi, au paradis des papas, veille sur ta vieille crapule et sur ta crapounette. Elles en auront bien besoin. Mes câlins, mon amour et mes sourires ne suffiront probablement pas.P.-S. Merci de m’avoir donné ce que j’ai de plus beau dans ma vie. Pour toujours, je t’en serai reconnaissante.

15 commentaires:

Louise (happyolou) a dit...

Ton texte est rempli d'émotion et j'ai les yeux remplis de larme !

La vie n'est pas facile! J'ai perdu ma propre mère à l'âge de 20 ans. J'étais étudiante au CEGEP. Les profs de ma session-automne m'ont tous fait passé malgré que j'ai fait seulement un examen dans ma session!

Le temps guérit bien des coeurs même s'il n'oubli jamais!

Je pense à vous toutes!

Marie-Eve Bélanger a dit...

Tu m'as fait pleurer... je suis si triste pour vous... la vie peut être si cruelle parfois... Je ne t'ai jamais rencontré mais je suis certaine que tes filles sont entourées d'amour et de sécurité et ça, ça va leur assurer une belle vie malgré le départ de leur papa... xxx

Chantal a dit...

Calins xxx

grenouille verte a dit...

quel beau message !! je n'ai pas de mots....juste une grosse dose de courage et d'espoir......tes poulettes ont de la chance d'avoir une maman si forte.....je vous souhaite que le chemin de vos vies se poursuit en douceur ....bonne chance du fond du coeur !

Anonyme a dit...

Tu viens encore de m'arracher quelques larmes grâce à ton texte très émouvant. Je suis certaine qu'avec tout l'amour que toi et ta famille donnez à tes poulettes, elles s'en sortiront malgré leur grand chagrin d'avoir perdu leur papa. Les enfants sont forts et quand ils ont l'aide nécessaire, nul doute qu'ils s'en sortent. Ne t'inquiète pas, les sourires et les rires reviendront bientôt résonner à Proulxville.

Jo XX

Anonyme a dit...

J'ai été extrêmement touché par ton texte. J'ai perdu mon père à l'âge de 16 ans (moi et mes 3 autres soeurs). Cela a fait 5 ans déjà le 12 octobre dernier. Il y a des moments plus difficiles que d'autres. Il y a des jours où j'ai l'impression que tout s'est passé hier et d'autres où j'ai l'impression que ça fait une éternité. Puis il y a ces moments où je préfère me dire qu'il est partie en voyage... Même si c'est difficile à croire, c'est vrai que le temps "arrange" les choses. Mais le plus important en attendant, c'est d'avoir une maman très forte ! Alors j'ai une pensée toute spéciale pour toi.

pistache a dit...

Gos calins a toute la famille!!!

Anonyme a dit...

Bon courage à toi Geneviève. À tes poulettes et tous les gens touchés par cette perte. Tu fais preuve d'une grande force. Tu es une grande dame. Je pense à vous xxx

Caro a dit...

J'ai craque.Ton texte est touchant et vrai message du coeur. J'aimerais bien pouvoir te rassurer face a cette injustice. Tes cocottes sont "bien parties". Elles sont surement bien entourees. Pense a toi aussi afin de pouvoir traverser cette epreuve.Papa vous aidera de la-haut.

Vous etes dans mes pensees!
sammy

Partenaire de vie en devenir! a dit...

J'ai de la peine pour vous tous! xox gros callin!

Annick a dit...

pas facile de lire ton texte d'un seul coup, j'ai dû arrêter plusieurs fois pour sécher mes larmes.j'ose croire que le bonheur reviendra dans leur coeur car je crois que tu es la personne la plus saine qui soit.du fond du coeur je vous souhaites le meilleur.

Anonyme a dit...

Bonjour Geneviève,
Il y a de cela 6 ans tu avais écrit un très beau texte pour notre petit ange Gaby; notre petit ange à la vie si fragile mais qui était si forte à la fois ! Cette année; 6 ans plus tard tu dois réécrire un article sur un sujet si triste en pensant à tes filles, à toi et à tous ceux qui le connaissaient .... Je voulais te dire tout simplement Bravo; tu nous fait vivre des émotions par tes textes si touchant parce que tu réussi à écrire ce que plusieurs personnes pensent ou tente d'expliquer sur des sujets aussi difficile.Je pense à toi et à tes deux puces dans cette dure épreuve; lâche pas et prend un jour à la fois c'est la recette gagnante selon moi dans ces situations si dure à passer. Tout ira bien il y deux anges qui prendront soin de vous .. Ian et Gaby !
Cynthia Raymond
(la soeur de Sébas)

Anonyme a dit...

Je me permettrai de te tutoyer.
Tu ne me connais pas.
Je ne te connais pas. Enfin, pas personnellement. Seulement par ce journal.
Je lis tes textes à chaque semaine. Même si je ne partage pas toutes tes opinions, je trouve que tes textes sont remplis de réalisme, que c'est la vrai vie.
Pour ce dernier texte, je n'ai pas pu m'empêcher. Malgré le soleil qui pointait et annonçait une belle journée quand j'ai lu ce texte. Malgré ma belle puce éclatante de bonne humeur cette journée-là qui courait après le chat pour l'ébouriffer encore un peu plus. Malgré tout, je n'ai pas réussi à réprimer mes larmes quand j'ai lu "le paradis des papas".

Un papa, ça ne devrait pas avoir le droit de partir trop vite. On en a besoin. Mais on dirait que ça ne suffit pas toujours pour changer le cours des choses.

J'espère que tes filles sauront se rappeler du meilleur et caresser ces souvenirs avec tendresse.

De tout coeur avec vous.

Isabelle Lessard

Eugénie a dit...

Je suis une amie d'enfance de Karine, ta cousine. Je ne te connais pas et toi non plus mais il y a maintenant 16 ans, mon père est décédé par suicide lorsque j'avais 11 ans. Et ce que je peux affirmer, c'est qu'à cet âge on comprends bien des choses mais on ne réalise pas tout à fait la situation. Ça m'a pris quelques mois avant de vraiment prendre conscience de tout. Et tout le monde me disait que j'étais forte de ne pas pleurer. Après, y'a un moment difficile où on réalise. Mais par dessus tout, je sais qu'il est possible d'être heureuse et de se sortir de se chagrin. C'est un très long processus pour un enfant mais c'est possible. Tantôt y'aura des joies, les petites seront bien, tantôt elles seront révoltées, peinées, elles se sentiront coupables d'un paquet de choses. Mais étant donné qu'elles sont entourées de beaucoup d'amour, elles auront la chance de bien vivre leur deuil. Et un deuil ça peut être long....voir des années. Courage à toi, et je comprends tellement comment elles doivent se sentir, je me revois moi-même il y a 16 ans. Prends bien soin de ta petite famille, et de toi aussi, c'est important.

Sincèrement,

Eugénie

elle'scrap a dit...

tu me fais pleurer , je te souhaite à toi et tes filles maintenant le meilleur puisque le pire est arrivé !